portrait

Fabien Hyon, chanteur atypique mais bien dans son assiette (2018)

Rencontrer le ténor Fabien Hyon est réconfortant : enfin un chanteur qui ne « joue pas au chanteur » parlant et riant très fort, et qui, ténor, ne se rêve pas comme le nouveau Pavarotti ! Mais qui au contraire emprunte volontiers des chemins de traverse au gré de ses envies et des rencontres.

Enfant, Fabien ne se voyait d’ailleurs pas chanteur, mais plutôt comédien. Bac en poche, il se destine finalement à l’enseignement, comme ses parents, et s’inscrit en fac d’anglais à Clermont Ferrand, mais également en chant au CRR, histoire d’« occuper les mercredis après-midis » : un hobby qui prend rapidement le pas sur tout le reste, tant il est soudain sûr d’avoir trouvé un métier, chanteur lyrique, lui permettant d’allier son amour du théâtre, du texte, et de la musique. Des stages auprès d’Isabelle Germain lui font comprendre « l’importance du texte, et l’implication totale du corps et de la pensée dans le chant ». Puis le passage au CNSM de Paris s’avère décisif tant pour la qualité et la diversité de l’enseignement que pour les amitiés artistiques nouées alors et qui continuent aujourd’hui encore.

Depuis, il a été Révélation Classique de l’ADAMI 2015, lauréat HSBC 2017 du Festival d’Aix en Provence, et s’est perfectionné à la prestigieuse Chapelle Musicale Reine Elisabeth tout en multipliant les expériences, en artiste qui ne saurait se satisfaire d’un seul genre ou style, aimant la scène, mais tout autant la discipline du récital et le concert.

Car s’il a pour lui un très joli timbre de ténor, pas léger mais au contraire assez charnu, avec une  assise ( s’agissant d’un cavalier confirmé,on pourrait presque parler d’« assiette » ! ) dans le medium qui surprend, une musicalité touchante, une grande attention apportée au texte, et un charme dans la présence qui n’exclut pas une certaine gravité, son profil singulier, ni haute-contre du baroque français, ni ténor léger d’opéra-comique, ni même ténor rossinien à roulades et suraigus, ne permet de le cataloguer aisément, à une époque de formatage à tout crin.

D’où à l’opéra un parcours jusqu’à présent assez atypique où certains grands rôles (Tamino, Don José et récemment encore Erik du Vaisseau Fantôme) ont été abordés dans des versions réduites, à côté d’incursions dans l’opérette d’Offenbach, la comédie musicale (West side Story, Candide) ou l’opéra baroque (Néron du Couronnement de Poppée, et bientôt Didon et Enée de Purcell et Erismenade Cavalli). Mais c’est sans doute dans l’opéra contemporain qu’il s’est jusqu’à présent le plus fait remarquer. Encore au CNSM, il eut la chance de rencontrer Noël Lee – peu avant sa mort en fait – dont il créa la mélodie La lune blanche.  Expérience de collaboration avec un compositeur qu’il a  pu renouveler récemment avec Kamchatka de l ‘Argentin Daniel D’Adamo, l’Odysée de Jules Matton, créée en avril dernier à Compiègne et reprise en décembre à Lille – et en ce moment,  avec Ombres du Minotaure de Michèle Reverdy qui sera créé en janvier prochain.

Puis il sera Tamino à l’Opéra de Rennes en mars.

Fabien Hyon, ténor ? Mais comme disait justement Sarastro de Tamino, « bien plus encore : c’est un homme ! »

Et qui pourrait faire sienne la fameuse phrase de Terence : 

« je suis homme, et je pense que rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Son engagement auprès de l’association Music O’seniors, qui porte l’opéra dans le milieu hospitalier – et depuis peu, carcéral – en témoigne, contribuant à lui faire « prendre conscience de pourquoi on fait ce métier ».

Thierry Guyenne